L'ancien communiste Roger Garaudy se convertit au révisionnisme

Published: 1996-01-01

C'est avec des accents de surprise et de consternation que le quotidien communiste L'Humanité a accueilli la dernière oeuvre, vendue sous le manteau, d'un ancien membre et toujours ami du « parti », Roger Garaudy : un long article négationniste publié dans la revue la Vieille Taupe (numéro 2, hiver 1995), revue spécialisée dans ce genre de textes, et intitulée « Les Mythes fondateurs de la politique israélienne » (« Le Monde des livres » du 26 janvier). « Combien est- il douloureux d'avoir à dire d'un homme, dont l'humanisme a marqué une époque et qui sut faire preuve de courage, qu'il participe aujourd'hui à une insupportable entreprise », écrit ainsi Jean-Paul Piérot dans L'Humanité du 25 janvier. S'agit-il, cependant, d'une véritable surprise ?

Depuis quelques annéees, celui qui fut le philosophe officiel de Maurice Thorez, lequel l'avait fait entrer au bureau politique du PCF en 1956, naviguait dans les eaux troubles de publications ou de mouvements accueillants envers les négateurs du génocide nazi. Il a aussi fréquenté les colloques du GRECE, lieu de rassemblement de la « nouvelle droite » : en mars 1991, il y avait pris la parole sur le thème « La guerre du Golfe : un exemple de l'impérialisme américain » ; en décembre 1995, sur « le monothéisme du marché ».

D'autres que M. Garaudy ont pratiqué, ou pratiquent encore, ce genre de flirt intellectuel, sans aller pour autant jusqu'à prendre rang parmi ceux qui se dénomment « révisionnistes » et qui accusent les juifs d'avoir inventé le « mythe » selon lequel six millions d'entre eux ont été mis à mort dans les camps nazis. Plus compromettantes encore sont les contributions de M. Garaudy à la revue ouvertement néofasciste Nationalisme et République, avec la parution, en 1992, de deux articles, l'un intitulée « L'Algérie, un nouvel avertissement pour l'Europe », l'autre « La Culture du bon sens ».

Un parcours sinueux

Né le 17 juillet 1913 à Marseille, d'une mère ouvrière modiste et d'un père comptable et mutilé de guerre, M. Garaudy est agrégé de philosophie. Récemment encore, il accordait des entretiens à L'Humanité et fréquentait les fêtes organisées dans différentes fédérations du Parti communiste. Exclu du PCF en 1970 pour s'être opposée à Georges Marchais et à la « normalisation » en Tchécoslovaquie, il faisait partie de ces anciens communistes avec lesquels la nouvelle direction du parti tentait de renouer. Depuis son éloignement du communisme, M. Garaudy a prolongé un parcours religieux sinueux. Converti très tôt, à l'âge de quatorze ans, au protestantisme (ses parents étaient athées), il avait fait un bref passage par le catholicisme avant d'annoncer à grand bruit, en 1982, sa conversion à l'islam. Cela ne l'avait pas empêché de publier une défense posthume du communisme soviétique dans un ouvrage intitulé Souviens- toi : brève histoire de l'Union soviétique, publiée par la maison d'édition Le Temps des cerises, proche du PCF, en 1994 (Le Monde diplomatique de septembre 1994).

« Lobby juif »

Comme pour plusieurs autres anciens « rouges » passées de l'autre côté du miroir, du côté des « bruns », la guerre du Golfe semble avoir été chez lui un moment décisif (Le Monde du 26 juin 1993). Antisioniste, anti-israélien, anticapitaliste, musulman, son camp était choisi d'avance : celui de l'lrak et de Saddam Hussein, non dans une logique de paix, mais dans l'optique d'une victoire de ce dernier contre une guerre « coloniale ».

C'est aussi sur la base de son opposition à la création d'lsraël et de la dénonciation de ce qu'il appelle les « mythes théologiques » (terre promise et peuple élu) que M. Garaudy glisse vers la thèse d'un complot du « lobby juif » au sortir de la guerre et réclame l'abrogation de la loi sanctionnant la négation des crimes contre l'humanité.

« Le judaïsme n'est pas mis en cause, mais la politique israélienne », affirme M. Garaudy en se défendant de tout antisémitisme. Il ajoute : « Je révise simplement les conclusions du procès de Nuremberg et les principes qui l'ont fondé. » Le doute n'est pourtant pas permis. Tout au long des deux cent trente-sept pages du livre, l'auteur, citant notamment le révisionniste anglais David Irving, connu pour ses relations avec les néonazis allemands, nie le projet d'extermination de Hitler à l'encontre des juifs, nie l'existence des chambres à gaz, nie le génocide.

Le MRAP (Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples) a portée plainte, lundi 29 janvier, pour provocation à la haine et diffamation raciale, contre M. Garaudy et contre la revue La Vieille Taupe.



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Author(s): Christiane Chombeau
Title: L'ancien communiste Roger Garaudy se convertit au révisionnisme
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Published: 1996-01-01
First posted on CODOH: Jan. 30, 1996, 6 p.m.
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