Florent Brayard et les Menteurs

Published: 1996-01-06

Compt rendue de: Florent Brayard, Comment l'idée vint à M. Rassinier. Naissance du révisionnisme. Préface de Pierre Vidal-Naquet, Paris, Fayard, 1996, 464 p., ISBN : 2-213-59507-0, 160 F ttc.

M. Brayard est un étudiant qui a de la chance. Après un mémoire de maîtrise présenté en 1990 à l'université de Nancy-ii, il a vu ses travaux couronnés à l'École des hautes études en sciences sociales à Paris ; dans son jury siégeaient, entre autres, Pierre Nora et Pierre Vidal-Naquet. Devant lui s'est ouverte la voie royale de la librairie Fayard (collection : Pour une histoire du xxe siècle) où fut publié en février 1996 son livre intitulé : Comment l'idée vint à M. Rassinier.

L'auteur avait l'ambition de démontrer magistralement comment le dévoiement intellectuel et politique de Paul Rassinier l'avait conduit à être reconnu mondialement comme le père fondateur du révisionnisme.

Florent Brayard est un bon jeune homme très conformiste, imprégné des affirmations contenues dans les manuels scolaires de son époque. Il lui est évidemment impossible de comprendre la démarche d'un Rassinier, libertaire et pacifiste de gauche, affranchi de toute idée préconçue.

L'élève politiquement correct de Pierre Vidal-Naquet est fort choqué par les relations chaleureuses que Rassinier entretenait avec Albert Paraz, libertaire et pacifiste, lui aussi, mais également collaborateur de l'hebdomadaire Rivarol, avec Maurice Bardèche, avec Henry Coston, deux auteurs sulfureux et engagés à contre-courant des idées de l'immédiate après-guerre. Ces relations, Brayard les juge contre nature.

Ce dernier raffole des leçons de morale. Il les administre doctement à ceux qui contestent le dogme historique de la seconde guerre mondiale. Avec lui les choses sont simples. Tous ceux qui, même au prix d'absurdités, renforcent l'histoire officielle, élaborée après 1945 ont dit la vérité, à quelques retouches près parfois. Quant aux contestataires, la nullité de leurs travaux est flagrante ; de surcroît, ce sont des menteurs.

Les témoins irrécusables

Florent Brayard a un estomac d'autruche. Il ingurgite tous les témoignages à charge sur les camps de concentration de l'époque hitlérienne ; il ne donne pas l'impression de les avoir digérés.

Nous prendrons trois exemples.

  1. Un mystérieux médecin hongrois que personne, à ma connaissance du moins, n'a jamais vu, le Dr Miklos Niysli, a écrit Médecin à Auschwitz (publié en 1953 dans la revue de Jean-Paul Sartre, Les Temps Modernes ). Après la critique sévère faite par Paul Rassinier, personne (ou presque) n'ose plus évoquer ce témoignage invraisemblable. L'Encyclopædia Judaica (1971) ne le mentionne pas et l'Encyclopædia of the Holocaust (1990) fait de lui un vague subordonné du docteur Mengele, lui-même centre d'une vaste florescence mythologique\.

    M. Brayard, avec la caution de ses maîtres, s'efforce de redonner une certaine crédibilité aux élucubrations de l'étrange docteur.

  2. Les aveux de Rudolf Höss, commandant du camp d'Auschwitz sont depuis longtemps très contestés. On sait depuis 1983 qu'ils ont été obtenus sous la torture. Les tortionnaires ont longuement détaillé le traitement infligé par eux à Rudolf Höss\.

    Ce dernier qui a quitté ses fonctions le 1er décembre 1943 a reconnu la mise à mort à cette date de 3 millions de déportés. Il a également cité un camp d'extermination du nom de Wolzek qui n'a jamais existé. L'aurait-il confondu avec Belzec ? Impossible, car Höss nomme également Belzec comme camp d'extermination.

    Quant à Brayard, il fait fi de la comptabilité macabre. Nous n'apprendrons pas dans son livre que, sur le monument de Birkenau, il est mentionné, depuis 1995, 1 million et demi de morts[1] au lieu de 4 millions. Nous n'apprendrons pas davantage que selon Jean-Claude Pressac, le total des victimes est compris entre 630 000 et 710 000 (édition allemande : Die Krematorien von Auschwitz/ Die Technik des Massenmordes, Munich, 1994).

    Sans surprise, nous constatons que Brayard est silencieux sur les estimations très inférieures de certains historiens critiques.

    Il ne révèle pas non plus à ses lecteurs que pour l'historien antirévisionniste américain Christopher Browning : Höss fut toujours faible et confus. A cette déclaration de 1993, ce dernier ajoute que les aveux douteux de Höss font les choux gras des révisionnistes.

  3. Enfin, Kurt Gerstein vint (!). Si Brayard ne l'appelle pas comme Pierre Joffroy l' espion de Dieu, il assume, tout de même, la plus grande partie du témoignage extravagant de l'ex-officier SS. Brayard ne contourne pas les obstacles ; il les attaque de front et s'évertue à rendre plausible ce qui est invraisemblable pour toute personne de bon sens. Peut-on entasser 700 à 800 personnes dans un local de 25 m2 et de 45 m3 ? Pourquoi pas, dit Brayard, puisque Georges Wellers, directeur de la revue Le Monde Juif a eu l'heureuse idée de corriger quelque peu les erreurs d'appréciation de Gerstein ? Par un artifice peu explicite, la superficie est élevée à 34 m2 et le nombre des victimes ramené à 500 environ. Ainsi le tour est joué ; on arrive à 15 personnes au m2 et il serait indécent de chipoter davantage.

Puis, Brayard insiste ; il ne laisse rien dans l'ombre, c'est son mérite.

Gerstein a écrit dans une version de ses confessions que l'on faisait entrer 25 250 kg d'homme dans le même local de 25 m² et de 45 m³. Pourquoi ne pas admettre, une fois pour toutes, que les coups de fouet des gardiens SS pouvaient faire des miracles ?

Pour les sceptiques, Brayard a une autre explication. Elle est mathématique : il a recours à une double équation où interviennent les poids respectifs d'un adulte et d'un enfant, car il paraît que les enfants étaient nombreux. Perplexe devant ce problème d'algèbre, j'ai demandé l'aide d'un professeur de mathématiques. Il en résulte qu'il aurait fallu que les 750 victimes fussent composées de moins de 10 % d'adultes et de plus de 90 % d'enfants. Brayard, de son côté, annonce triomphalement : il y avait 1/3 d'adultes et 2/3 d'enfants. Les maths ne lui réussissent pas. Peut-être faut-il prendre en considération l'âge du chef de gare ? Qu'importe, car aucun lecteur — à part moi — ne fera l'effort de résoudre la double équation.

Sganarelle, médecin malgré lui, après avoir pontifié en latin de fantaisie, concluait sentencieusement, devant Géronte, ébloui par tant de science : "Voilà justement ce qui fait que votre fille est muette".[2]

Pourquoi chacun ment ?

C'est le titre que Brayard donne à l'un des sous-chapitres de son livre.

Qui a menti ? Quelques uns des contestataires de l'histoire dogmatique, évidemment.

Le professeur Faurisson, à tout seigneur tout honneur, a droit à un traitement spécial (ce que les Allemands appelaient, sans décodage, Sonderbehandlung ) ; il n'est pas qualifié crûment de menteur.

Toutefois, Brayard s'interroge sur les motivations du professeur. Soutenant des thèses iconoclastes dans le domaine littéraire, n'aurait-il pas tout simplement mystifié son monde dans le domaine historique ?

Autrement dit, n'aurait-il pas pratiqué une élégante manière de mentir ? Il fallait y penser et Brayard ne manque pas d'imagination.

Brayard passe ensuite aux menteurs sans élégance ; ce sont successivement Paul Rassinier, le professeur docteur W. Pfannenstiel et le signataire du présent article.

Les deux premiers sons décédés ; je vais donc répondre pour eux d'abord, pour moi ensuite.

A propos de quoi aurions-nous menti ? Une fois encore, l'inusable Gerstein entre en scène avec son mystérieux compagnon du camp de Belzec en août 1942. Dans son livre Le Drame des juifs européens, publié en 1964, Rassinier relate une étrange visite que lui fit un Allemand en juin 1963 à son domicile d'Asnières.

Ce visiteur inconnu prétendit avoir été aux côtés de Gerstein au camp de Belzec. Il déclara, d'abord, que les événements ne s'étaient pas passés comme Gerstein les décrit. Il ramena à des quantités vraisemblables le nombre des déportés juifs entassés dans les wagons du train qui les transportait. Il précisa que, selon les dirigeants du camp, les arrivées de tels convois étaient assez rares. Il abaissa à 40 ou 50 le nombre des juifs qui entraient dans un local de 20 à 25 m2 ; il ajouta que toutes les opérations étaient effectuées par d'autres juifs, installés au camp depuis un certain temps et chargés de responsabilités.

Puis, il confirma qu'un gazage homicide avait eu lieu par émanation de gaz d'un moteur Diesel, donc par gaz carbonique (CO2) ; il y aurait donc eu mort par asphyxie. A ce moment du récit, Rassinier qui avait consulté d'éminents toxicologues sur le sujet, tenta de poser des questions simples, d'ordre technique, à son interlocuteur. Ce fut en vain. Ce dernier se déroba, refusant de reconnaître qu'il est impossible d'asphyxier 40 à 50 personnes en 15 à 20 minutes comme il l'assurait. Il se contenta de répéter : J'y étais. J'ai vu. Dès lors, l'entretien tourna court.

Honnêtement, Rassinier rapporta l'entrevue. Dans ces conditions, pourquoi Brayard accuse-t-il Rassinier de mensonge ? Ce dernier aurait menti par omission s'il s'était tu ; or il ne s'est pas tu malgré son scepticisme à l'égard de certaines affirmations de son visiteur.

Rassinier est mort en juillet 1967 ; son livre a été publié en 1964 et, pendant trois années, aucun des adversaires de l'ancien déporté n'a fait allusion à l'identité présumée du visiteur d'Asnières de juin 1963. Rassinier aurait pu répliquer.

C'est seulement en 1977, dix ans après sa mort, que Georges Wellers publia une brochure intitulée La Solution finale de la question juive et la mythomanie néo-nazie ; dans cette brochure, il s'interrogeait sur l'identité de l'interlocuteur mystérieux de Rassinier et il concluait par une phrase interrogative : Ne s'agirait-il pas du professeur docteur Pfannenstiel dont Gerstein mentionne la présence à Belzec en même temps que lui ?

Par la suite, Vidal-Naquet passa à l'affirmative en écrivant que Georges Wellers a formellement identifié le professeur Pfannenstiel.

Ensuite, vinrent les commentaires. Pfannenstiel, obersturmbannführer SS dans le service de santé (lieutenant-colonel) ne pouvait que mentir en minimisant les gazages homicides de Belzec. Gerstein avait donc dit vrai pour l'essentiel. Allait-on avoir davantage confiance dans les déclarations d'un nazi cherchant à blanchir de ses crimes le régime hitlérien ?

Il paraît nécessaire d'examiner les choses de plus près. Pfannenstiel était membre de la NSDAP ; Gerstein également (il avait adhéré le 2 mai 1933). Pfannenstiel était fonctionnaire dans l'enseignement supérieur du IIIe Reich ; il occupait une chaire d'hygiène à l'université de Marburg. A l'instar d'Heidegger, par exemple, il ne pouvait éviter d'être inscrit au parti.

Gerstein était encore étudiant en 1933. Dans les années suivantes il entama de nouvelles études, en médecine. Rien ne le contraignait à donner son adhésion à la NSDAP. Il fit quelques crises religieuses qui lui valurent des ennuis puis il réintégra le parti et choisit de servir comme officier à l'institut d'hygiène de la Waffen SS.

Pfannenstiel, dont nous ignorons les convictions politiques, tout comme Messieurs Wellers et Vidal-Naquet les ignorent, perdit simplement sa chaire à l'université de Marburg après la guerre. Il fit ensuite une belle carrière dans le thermalisme en république fédérale.

Gerstein fut reconnu petit coupable par une chambre de dénazification qui refusa de le réhabiliter, à titre posthume, en 1950. Ce n'est qu'en 1965 que, sur proposition du chancelier Kiesinger (ce nazi que gifla publiquement Beate Klarsfeld), Gerstein fut réhabilité avant de devenir, grâce à ses hagiographes, un saint égaré dans le siècle.

Conclusion : entre Pfannenstiel et Gerstein, le plus nazi des deux n'est peut-être pas celui qu'on pense. Précision supplémentaire : de l'avis de tous ceux qui l'ont connu, Gerstein était un psychopathe avéré, tandis que Pfannenstiel a toujours donné l'image d'un homme très équilibré.

Pfannenstiel a effectivement rencontré Rassinier ailleurs qu'à Asnières et à une autre date que juin 1963. Nous parlerons plus loin de cette entrevue.

Pfannenstiel a, peut-être, travesti la vérité ; nous pensons que, si c'est la cas, c'est en admettant la gazage homicide de Belzec. Lié par des aveux qui lui avaient permis d'être libéré le 12 juillet 1950 après cinq ans de captivité, ce père de cinq enfants, dont quatre en bas âge en 1945, ne put, par la suite, préserver sa tranquillité de grand bourgeois de l'Allemagne de l'Ouest qu'en maintenant sans variation les déclarations qu'il avait dû faire le 6 juin 1950, donc cinq semaines avant sa libération.

Pfannenstiel est décédé à 92 ans en 1982 ; j'ai écrit à sa veuve en 1986 pour tenter d'éclaircir les zones d'ombre qui subsistent. Ce fut en pure perte. Elle m'adressa une courte lettre pour dire qu'elle ne disposait d'aucun document laissé par son mari et qu'elle voulait qu'on la laisse en paix avec l'histoire du soi-disant Rapport Gerstein (sogenannte Gerstein Bericht ). A cause de lui sa vie et celle de son mari avaient été bouleversées durant de longues années.

En résumé, Rassinier n'a pas menti. Si Pfannenstiel a menti, ce n'est pas au sens où l'entend Florent Brayard. Quant au troisième menteur présumé, il reste à savoir s'il est coupable.

Au cours de mes recherches, j'ai découvert deux lettres de Pfannenstiel à Rassinier. L'une est datée du 3 août 1963, l'autre du 18 septembre 1963. Elles attestent que les deux hommes se sont vus pour la première fois à Marburg le 25 septembre 1963. Brayard ne met pas en doute l'authenticité de ces deux lettres. Il admet que Pfannenstiel et Rassinier ont fait connaissance à la gare de Marburg le 25 septembre 1963.

Toutefois, comme Brayard est quelqu'un à qui on ne la fait pas, il donne son explication. Rassinier, dit-il, eut l'idée pour préserver l'anonymat de son interlocuteur de transposer [la rencontre] géographiquement et temporellement.

Donc, pour Brayard, la rencontre de Marburg en septembre 1963 est réelle, tandis que la visite à Asnières en juin de la même année est une invention de Rassinier.

Dès lors, tout est clair. Avec M. Brayard, le savoir ne régresse pas, il progresse.[3]

L'inconvénient pour lui est qu'il y eut un témoin de la visite à Asnières : Madame Rassinier elle-même. En 1986, j'ai interrogé à ce sujet la veuve de l'historien. Voici l'essentiel de notre conversation :

H. R.: Vous souvenez-vous d'un visite à Asnières en 1963 d'un Allemand ? Il confirma à votre mari un gazage homicide au camp de Belzec où il se trouvait avec Gerstein en août 1942.

Mme Rassinier: Je m'en souviens très bien. Quand cet inconnu est entré, j'ai senti comme des ondes maléfiques se répandre dans l'appartement. Paul a été très troublé ; il m'a plusieurs fois reparlé de cette visite.

H. R.: Votre mari vous a-t-il parlé d'un certain professeur Pfannenstiel qui, lui aussi, était à Belzec avec Gerstein ?

Mme Rassinier: Oui, Paul l'a rencontré en Allemagne.

H. R.: Pensez-vous que le visiteur d'Asnières ait pu être Pfannenstiel ?

Mme Rassinier: Non, ce n'était pas Pfannenstiel, sinon mon mari me l'aurait dit.

Aujourd'hui encore, il est possible de recueillir, à nouveau, le témoignage de Mme Rassinier. Toutefois, les amis de M. Brayard sont tellement satisfaits de leur version romancée des faits qu'à l'instar de Georges Wellers, il ne veulent pas la corriger.

Dans le n 122 du Monde Juif (avril-juin 1986), M. Wellers a répondu aux remarques que je faisais sur la question dans mon droit de réponse publié dans cette revue. Il écrivit simplement : les lettres, le témoignage de la veuve ne m'intéressent en aucune façon. Sans commentaire !

Qui a choisi de mentir par omission ? Ce n'est certainement pas moi. J'ai publié deux lettres signées de Pfannenstiel et adressée à Rassinier. J'ai donné le témoignage de Madame Rassinier. Que pouvais-je faire de plus ?

J'ai laissé entendre que le visiteur mystérieux d'Asnières pouvait avoir été un provocateur.

Je n'affirme pas détenir toute la vérité sur cette affaire. En revanche, j'ai dit tout ce que je sais.

Quant à Florent Brayard, je ne l'accuserai pas de mensonge. Il s'est seulement pris les pieds dans le tapis car, à la page 358 de son livre (note 5), il reproduit ce que j'ai moi-même écrit : la veuve de l'historien a encore aujourd'hui un souvenir assez précis de cette visite qui troubla fort son mari.

Paul Rassinier, alias Jean-Pierre Bermont né à Bermont (Territoire de Belfort).

Pour leurs adversaires, tous les révisionnistes sont des menteurs. Le plus grand menteur ne peut être que Paul Rassinier, père fondateur du révisionnisme.

Rassinier a utilisé un pseudonyme et, sous ce pseudonyme, il s'est interviewé lui-même dans l'hebdomadaire Rivarol.

Cette fois, le crime est signé. Pierre Vidal-Naquet note avec délectation, à la fin de sa préface au livre de Brayard, que le comble fut atteint avec ce dédoublement de personnalité.

Pourtant, l'usage d'un pseudonyme est des plus courants dans le journalisme. En outre, quand il s'agit de traiter un sujet très particulier sur des points précis avec lesquels aucun confrère n'est familier, il n'est pas exceptionnel, et encore moins malhonnête, de rédiger soi-même les questions et les réponses d'une interview.

L'innocence de Rassinier transparaît, d'ailleurs, dans le choix de son pseudonyme. Il aurait pu signer autrement, mais il manquait d'imagination. Il a choisi le nom de son village natal et, comme son fils s'appelait Jean-Paul, il a donné à Bermont le prénom de Jean-Pierre.

On peut en conclure que Paul Rassinier n'était pas doué pour la fabulation, ce qui, pour un révisionniste, représente la qualité principale. Certes, devant le tribunal, Rassinier a tenté, quelques temps, de maintenir sa version d'un Bermont, rédacteur à Rivarol différent de lui. Cela prouve; justement, que Rassinier n'avait pas l'habitude de mentir.

Dans sa carrière d'enseignant, il avait certainement rencontré de fieffés menteurs et des menteurs occasionnels. Les premiers ne sont jamais dans l'embarras quand on les démasque. Les seconds rougissent, se troublent, maintiennent maladroitement leur petit mensonge et finissent par le reconnaître.

Ce sont de petits menteurs primaires. Sur un point secondaire, Rassinier se comporta comme eux ; il est révoltant de lui en tenir grief. Ses accusateurs, eux, sont assez retors pour camoufler leurs gros mensonges sous des considérations pseudo-savantes où il est difficile de les débusquer.

Comment l'idée vint à M. Brayard ?

Brayard part du principe que Rassinier est mondialement reconnu comme le fondateur du révisionnisme. Il en déduit qu'en portant le discrédit sur les travaux du père, on jetterait le trouble dans l'esprit des fils spirituels, ces sulfureux révisionnistes.

Si notre étudiant chanceux avait vécu à l'époque des Apôtres, il se serait demandé comment l'idée vint à Saint Thomas de ne croire que ce qu'il voyait et que ce qu'il touchait.

A toutes les époques, il pourrait se demander comment l'idée vint aux juges d'instruction de ne croire à un crime qu'en présence d'un cadavre dûment autopsié et au vu d'une expertise de l'arme du crime.

M. Brayard n'a que faire du doute scientifique. Il préfère disserter, après d'autres, sur les planques que le déporté Rassinier réussit à occuper à Buchenwald et à Dora. Il recourt au fameux syndrome de Stockholm où l'on voit la victime adopter le parti de son bourreau. C'est une trouvaille, ce syndrome de Stockholm ! Le lecteur peu averti est prié de ne pas le confondre avec le congrès de Malmoe (dont Brayard parle également) où se sont rencontrés en 1950 quelques futurs amis néo-fascistes du libertaire d'extrême-gauche Paul Rassinier. Cette nouvelle invention montre surtout que la créativité des mythologues nordiques est loin d'être épuisée.

Florent Brayard a bénéficié d'une bonne couverture médiatique. Son éditeur a soigné la diffusion de son livre. Toutefois, Brayard doit compter avec la concurrence.

Déjà un rédacteur du quotidien Le Monde, après avoir trouvé l'ouvrage passionnant, émet des réserves. La démonstration de Brayard est-elle convaincante ? Il ne le pense pas, mais il reporte ses espoirs sur un livre qui doit être publié à l'automne 96. Il s'agit d'une biographie de Paul Rassinier rédigée par Nadine Fresco. Celle-ci n'est pas une inconnue. Elle a participé aux attaques contre le révisionnisme depuis le début de l'affaire Faurisson et elle est très proche de certains rédacteurs du Monde.

Que d'efforts dépensés par les historiens politiquement corrects pour enrayer la progression inéluctable des thèses révisionniste !

Quelques erreurs commises par Florent Brayard

M. Brayard a relevé des erreurs dans les textes de Rassinier et de ses amis. Il n'y aurait pas à s'en formaliser, s'il ne les avait pas accompagnées de commentaires fielleux.

Voici quelques erreurs qui émaillent le livre de Florent Brayard :

— p. 112. L'auteur, reproduisant le témoignage de Höss cite Wolzek comme camp d'extermination. Ce camp n'a jamais existé. Il est inconnu de Brayard qui omet de signaler son inexistence.

— p. 150. G. A. Amaudruz, directeur du Courrier du Continent paraissant à Lausanne n'a jamais appartenu à une quelconque division SS. Il n'a servi que dans l'armée de la confédération helvétique.

— p. 331. Brayard écrit que Gerstein a convoyé au camp de Belzec 100 kg d'acide prussique dont le nom industriel était Zyklon B. Or dans aucune version de ses confessions, Gerstein ne parle de Zyklon B. Il dit qu'il a transporté 45 bouteilles d'acide prussique, donc liquide. Il précise qu'il a dissimulé ces bouteilles avant d'arriver au camp de Belzec. Rappelons qu'il prétend avoir assisté à un gazage homicide effectué au moyen de gaz carbonique (CO2).

Le Zyklon B, insecticide utilisé dans l'armée allemande depuis 1924, se présentait soit en morceaux soit sous forme de coupelles de matière poreuse imprégnée d'acide prussique. Le tout était contenu dans des boîtes métalliques dont la photographie a maintes fois été publiée.

— p. 459 (index) Le publiciste Mennevée se prénommait Roger et non Roland.

— p. 459 (index) L'historien allemand Nolte se prénomme Ernst et non Emil.

Enfin signalons une erreur qui n'est peut-être qu'une coquille : à la p. 107 (note 5), on lit : Sur cette question, on peut se reporter, entre autres, à Jean-Claude Pressac, Les Crématoires d'Auschwitz ; la machine du meurtre de masse, Paris CNRS Editions, 1994.

Machine ? Il faut lire machinerie. A plusieurs reprises, dans son livre, il ironise sur les lapsus qu'il juge significatifs. Que dira-t-on de celui-là ?

Juin 1996.


Notes:

[1]
Chiffre arbitrairement choisi par Lech Walesa pour ne pas oublier les morts polonais.
[2]
Léon Poliakov est devenu très prudent et circonspect à l'égard de la valeur probante du Rapport Gerstein ; dans un recueil d'entretiens échangés avec Georges Elia Serfati (L'Envers du destin, Editions du Fallois, Paris, 1989, 299 p.), il relègue au rang de témoignage mineur celui du SS Kurt Gerstein. Il a, en effet, déclaré à son interlocuteur :

Certes dans les rapports de Gerstein se logeaient un certain nombre d'erreurs. Il n'avait vu un camp d'extermination qu'une seule fois et d'un peu loin, c'était le camp polonais de Belzec.

Pourtant, c'est bien ce témoignage qui a été choisi parmi tant et tant d'autres par Poliakov et Vidal-Naquet pour être inséré partiellement dans une déclaration d'historiens signée par 34 universitaires (et non des moindres). Le journal Le Monde publia ce texte le 21 février 1979 pour répliquer vertement aux thèses du professeur Faurisson dont l'affaire venait d'éclater.

[3]
Par Pfannenstiel Rassinier savait que plusieurs personnes se trouvaient à Belzec avec Gerstein. L'ancien déporté a pu ce n'est qu'une hypothèse construire dans son livre un récit où il intègre à la fois les propos assez complémentaires de son visiteur de juin 63 à Asnières et ceux de Pfannenstiel, rencontré à Marburg en septembre 1963.

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Author(s): Henri Roques
Title: Florent Brayard et les Menteurs
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Published: 1996-01-06
First posted on CODOH: June 29, 1996, 7 p.m.
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