Le petit garçon de Varsovie
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Il sagit peut-être de la plus célébre photo de l'Holocauste: un petit garçon effrayé et apparament condamné, les bras levés, s'avance au milieu d'un groupe de Juifs de Varsovie sous la menace des fusils de soldats allemands en retrait.
Dans un récent essai, Erwin Knoll, éditeur du magazine influent 'The progressive', a résumé avec pertinence l'importance de cette photo:[1]
C'est la photographie qui est devenue le symbole de l'Holocauste: un petit garcon juif, effrayé et les yeux baissés, les bras levés, est entouré de soldats nazis. C'est la phase finale de l'extermination des Juifs, soit la liquidation des derniers survivants débusqués aprés le soulévement de Varsovie en 1943. Plusieurs autres Juifs, les bras levés, peuvent être vus en retrait. Nous savons en regardant la photo qu'ils seront bientùt morts.
La photo est apparue dans les archives, exhibitions, magazines, articles de journaux sur l'Holocauste, des documentaires télévisés et de nombreux livres. Elle a probablement été reproduite des centaines de fois...
Cette photographie est l'une des quelques dizaines inclues dans le rapport officiel de la SS sur l'opération de police allemande d'avril-mai 1943 contre le ghetto.[2] Dans les décénnies qui ont suivit la guerre, elle a été reproduite a des millions d'examplaires dans des ouvrages, magazines et films, elle a été utilisée à toutes les sauces pour illustrer l'Holocauste. Des agrandissements de celle-ci sont apparues dans des exhibitions sur la Shoah à travers le monde.
Des millions de gens ont été amenés à croire que le petit garçon effrayé de cette photo poignante a été tué peu aprés que cette mémorable image fut captée sur pellicule. "La photographie va droit au coeur", commentait le Washington Post, "parce qu'il est clair que le garçon, comme des millions d'autres Juifs, est mort entre les mains des nazis"[3]
En 1979, dans une publicité parue pour faire la promotion de livres sur l'Holocauste, la photo fut reproduite avec la légende suivante:[4]
Son nom était Arthur Chmiotak. Il aurait 42 ans aujourd'hui, mais il fut gazé dans un camp de concentration nazi avant même d'avoir 10 ans. Pourquoi? Parce qu'il était un 'indésirable', une mauvaise herbe dans le jardin des fleurs parfaitement aryennes de Hitler. Juste un des 6 millions qui ont été éliminés...
En Allemagne, un livre scolaire a large circulation décrivait cette photo aux jeunes lecteurs avec ces mots:"Varsovie, mai 1943: destruction du ghetto juif et déportation des derniers résidents vers les chambres à gaz de Treblinka"[5]
Contrairement à ce que dit la légende cependant, le 'garçon du ghetto' ne fut pas tué. Il a survécu a son internement à Varsovie et dans un camp de concentration allemand.
Plusieurs décennies aprés que celle-ci fut prise, un médecin de New York, Tsvi C. Nussbaum, révélait qu'il était le fameux petit garçon de la photo. "Je me rappelle qu'il y avait un soldat en face de moi, et il m'a ordonné de lever les bras", déclare Nussbaum. Aprés l'intervention de son oncle, le petit garçon de 7 ans reáut la permission de rejoindre le reste de sa famille. Au milieu de parents, le jeune Nussbaum fut déporté de Varsovie en 1943 jusqu'à Bergen-Belsen en Allemagne. Aprés la fin des hostilités, il émigra en Israel, et de là vers les Etats-Unis en 1953. En 1990 il vivait à Rockland County, New York.[6]
Tsvi C. Nussbaum, 1982
L'histoire de Nussbaum a été passée au crible, et même plusieurs décennies plus tard sa physionomie ressemble étrangement à celle du petit garçon de la photo.
Les historiens juifs de l'Holocauste qui ont longtemps considéré la photographie comme une sorte de document sacré n'ont pas été trés enthousiastes aprés les révélations de Nussbaum rapportées dans le New York Times, parce qu'ils étaient "convaincus que le pouvoir symbolique serait diminué s'il était montré que le garçon avait survécu". Nussbaum lui-même fut surpris par une telle préoccupation. "Je n'ai jamais réalisé que chacun mettait le poids de 6 millions de Juifs sur cette photo", déclarait-il. "A mes yeux cela ressemble à un incident dans lequel je fut impliqué, et c'est le cas"[7]
Dr Lucjan Dobroszycki de l'institut Yivo, un centre historique de New York avertit que "cette grande photographie de l'événement le plus dramatique de l'Holocauste requiert un plus grand niveau de responsabilité de la part des historiens plus que de n'importe qui. Elle est trop sainte pour laisser les gens faire ce qu'ils veulent avec."[8]. En d'autres mots, Dobroszycki suggérait que la vérité historique ne doit pas être permise pour diminuer l'impact émotionnel et l'utilité de l'image.
Largement vue comme l'une des photos les plus touchantes et puissantes de ce siécle, cette photo apporte un autre élément supplémentaire concernant la tragédie des Juifs d'Europe pendant la deuxiéme guerre, mais d'une maniére différente de ce que bien des gens croient.
Notes:
Translation Jean-Francois Beaulieu
- [1]
- Erwin Knoll, "The Uses of the Holocaust," The Progressive, Juillet 1993, p 15
- [2]
- La légende dans le rapport Stroop se lit: "Evacués des bunkers par la force." Le "rapport Stroop" de 1943 fut soumis comme piéce à conviction par la poursuite au tribunal de Nuremberg de 1945-1946,et fut publiée dans le volume 26 des 42 volumes officiels IMT "série bleue". Document 1061-PS (USA-275). Un facsimilé de cette édition, avec une traduction anglaise et des commentaires, a été publiée sous le titre 'The Stroop Report: The Jewish Quarter in Warsaw Is No More! (New York: Pantheon, 1979).
- [3]
- C. Harris, "Le garçon de Varsovie, symbole de l'Holocauste", The Washington Post, Sept 17, 1978, p. L.1
- [4]
- Annonce par le Pleasent Valley Press of Pitsburg pour une série de 13 volumes de Christian Bernada. National Enquirer, April 3, 1979; Une légende de 1993 de l'Associated Press décrit la photo: "Un groupe de Juifs, incluant le garçon identifié comme Arthur Schimiontak, est escorté dans le ghetto de Varsovie par les soldats allemands en 1943". Voir: Orange County Register, april 18, 1993, p. 23, et Savananah New-Press, April 18, 1993.
- [5]
- Cité dans: D. National-Zeitung (Munich), 16 avril 1993, p.11
- [6]
- D. Margolick, "Rockland Physician Thinks He is the Boy in Holocaust Photo on Street in Warsaw", The New York Times, May 28, 1982, pp. B1, B2; P. Moses, "Haunting reminder", New York Post, Feb 20, 1990, p.5; En 1978 un businessman de Londres du nom de Israel (Issy) Rondel affirma qu'il était le "garcon de Varsovie". Voir J. Finkelstone, "Ghetto boy lives here", Jewish Chronicle (London), 11 aout 1978, pp. 1,2; C. Harris, "Warsaw Ghetto Boy; Symbol of the Holocaust", The Washington Post, Sept, 17, 1978, pp. L1,L9. Cette affirmnation fut plus tard démontrée comme fausse. Voir E. Kossoy, "The boy from the ghetto", Jerusalem Post, Sept 1, 1978, p.5
- [7]
- D. Margolick, The New York Times, May 28, 1982, pp. B1 B2 (cité plus haut).
- [8]
- The New York Times, May 28, 1982, pp. B1, B2
Additional information about this document
Property | Value |
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Author(s): | Mark Weber |
Title: | Le petit garçon de Varsovie |
Sources: | traduit de The Journal of Historical Review, vol. 14, no. 2 (March/April 1994), pp. 6f. |
Contributions: |
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Published: | 1994-03-01 |
First posted on CODOH: | June 29, 1995, 7 p.m. |
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